Une ensileuse débardeuse à grand débit.

( Copie de l'article paru dans le sillon Belge du 26/11/1993. )

Après avoir été testée pendant plusieurs années une ensileuse débardeuse à maïs, les frères Dutrieux de Molenbaix, entité de Celles, dans le Tournaisis, veulent relancer la construction de la machine qu'ils ont mise au point et qui fut ensuite testée par le service du génie rural à Gembloux.

La construction de l'ensileuse débardeuse fut réalisée alors que le père, M. Jean Dutrieux, vivait encore.

L'objectif de départ, c'est d'être capable de réaliser la récolte du maïs avec deux chauffeurs, l'un sur l'ensileuse, l'autre emmenant le fourrage vers le silo.

Camion à six roues motrices.

Pour simplifier la question, les frères Dutrieux ont opté pour un camion à 6 roues motrices. Celui-ci à reçu une caisse ressemblant à celle d'une remorque à fourrage. La caisse est capable de réceptionner le volume entassé dans l'ensileuse débardeuse. Le fait que le camion ait six roues motrices lui permet de passer quasiment partout, et notamment de grimper sur les silos pour y décharger la masse fourragère.

Les frères Dutrieux croient en la possibilité des ensileuses débardeuses. Les fermiers, disent-ils, sont de plus en plus seuls et s'en remettent aux entrepreneurs pour réaliser le travail. En outre, les engins à très larges pneus arrivent à passer là où un tracteur éprouve des difficultés.

Auparavant, ils disposaient d'une ensileuse à maïs Field Queen, ce qui explique qu'ils soient restés dans le même créneau de l'ensileuse débardeuse. Toutefois, la Field Queen n'est pas aussi souple que l'engin qu'ils ont réalisé. Il en est de même pour la qualité de l'ensilage.

Avec une ensileuse débardeuse, il n'est pas nécessaire que la remorque suive l'ensileuse. Le conducteur peut rester sur la terre ferme et se faire approvisionner par la débardeuse.

La machine.

En commençant par le début, le choix s'est porté sur un bec à maïs six rangs de type Class. Les becs extérieurs sont repliables.

C'est à partir de là que tout change !

Les ameneurs ont été surdimensionnés pour correspondre aux dimensions du rotor. Des pièces en inox ont été confectionnées pour pouvoir installer le détecteur de métaux. Les ameneurs sont entraînés par moteur hydraulique. En agissant sur le débit d'huile, on intervient sur la longueur de hachage.

Le rotor placé sur châssis articulé.

Le rotor hacheur provient d'une société qui fabriquait des machines destinées à des usines de déshydratation de fourrages comme l'herbe ou la luzerne.

Il a fallu du temps pour comprendre ce qui se passait, disent les frères Dutrieux. En fin de compte, il a fallu commander des couteaux spécifiquement pour la machine.

En maïs, il faut 12 couteaux, en luzerne, ou dans l'herbe préfanée, 4 couteaux suffisents.

Si c'était à refaire, on aurait réalisé nous-même le rotor, disent les frères Dutrieux.

Comme tout autre rotor hacheur, celui-ci est équipé d'un aiguiseur de lames. C'est le rotor qui fait également office de ventilateur. Au début, dit Dominique, l'ainé des frères, nous avons songé à installer un ventilateur complémentaire qui ne soufflait que de l'air. Nous avons fini par abandonner ce ventilateur en remarquant que le maïs allait suffisamment loin dans la trémie.

Les machines sont souvent équipées d'un éclateur de grains. Il n'y en a pas ici. L'éclateur est remplacé par une grille. Les analyses effectuées par Gembloux ont montré qu'un éclateur n'était pas nécessaire.

Puissance.

C'est le rotor qui exige le plus de puissance. Il est donc logique qu'il soit entraîné directement par le moteur. Le réglage des courroies s'effectue en agissant sur les ponts d'ancrage du moteur. Le reste est entraîné par des moteurs hydrauliques.

L'engin est conçu. Il lui manque encore sa trémie.

Le moteur  qui a été retenu est un moteur IVECO de 520 ch. Il entraine tout d'abord la poulie à gorges destinée à l'entrainement du rotor, puis la pompe hydraulique de type industrielle. Un accouplement souple est prévu entre les deux pour éviter les à-coups. Il résiste depuis la construction de l'ensileuse. Des dispositifs sont prévus en cas de pépin, de façon à pouvoir retirer assez facilement les éléments les uns après les autres.

La cabine.

Dans la cabine, on trouve tout d'abord un petit écran de télévision. On a installé une caméra pour voir correctement la vidange de la trémie dans le camion ou dans les épandeurs. Cela fait gagner un temps précieux, et éviter des accidents, dit Etienne, le conducteur habituel de la machine.

Une bonne partie des commandes hydrauliques se fait au pied. On répartit les tâches entre les mains et les pieds. Les pieds servent pour des commandes, les mains pour un travail plus précis, dit Etienne.

Châssis articulé.

Le châssis est articulé. Il pivote autour d'un axe horizontal et d'un axe vertical. Ce point à l'avantage d'être très simple et est plus fiable que les articulations constituées avec des bras. En effet, le pivotement des deux parties fait intervenir un seul axe: on décrit des arcs de cercle. Dans l'autre cas, on a tendance à décrire une vrille. On peut même imaginer qu'on pourrait faire basculer une partie de la machine, mais pas les deux dit Thierry, qui fut le principal artisan de la machine.

La trémie.

La trémie, il a fallu la construire en dehors, car il n'y avait pas assez de place dans l'atelier, dit Thierry.

L'entreprise compte de nombreux outils, notamment plieuse, presse hydraulique, plus les outils qu'on trouve habituellement dans tout ateliers. Cela permet déjà de faire beaucoup par soi-même, dit Thierry.

Par ailleurs, nous recherchons la pièce qui convient le mieux à l'usage auquel elle est destinée. Nous n'avons aucun préjugés à ce point de vue, et nous ne sommes pas des concessionnaires d'un matériel quelconque. Cela nous donne le champ libre.

La trémie fait 32 mètres cubes. Elle se décharge comme le ferait un épandeur mais ce sont des moteurs hydrauliques qui assurent l'entraînement des chaînes d'évacuations.

Lorsque la trémie est posée sur le châssis, elle pose à différents endroits pour éviter qu'elle torde. Un vérin à plusieurs étages assure le soulèvement de la trémie pour le remplissage du camion ou d'un épandeur.

Les moteurs hydrauliques pour la décharge sont puissants. L'évacuation se passe en quelques secondes. A ce sujet, dit Thierry, nous cherchons toujours à améliorer notre matériel. Ces moteurs en ont remplacés d'autres parce que la décharge était trop lente. Cette année avec des rendements exceptionnel en maïs, il ne fallait pas traîner pour le déchargement.

Il lui reste encore les becs...

D'autres points ont encore été améliorés. C'est toujours dans le but d'aller plus vite, de faire mieux et d'avoir d'avantage de sécurité.

Une porte a été placée à l'arrière de la trémie. On l'ouvre lorsque la remorque est arrivée. La caméra permet de voir comment la remorque se remplit. Il est possible de remplir plusieurs épandeurs. Cela se fait lorsque le champ est trop éloigné du silo.

La traction.

Les quatres roues sont motrices. Il a fallu opter pour des pneus très larges : 28 L-26 à l'avant et 66 x 43.00-25 à l'arrière. La transmission est hydrostatique sur des ponts moteurs de bulldozer.

A vide l'ensemble père 16.700 kg. A cela on peut ajouter 12 tonnes lorsque la trémie est pleine. On arrive alors à des poids comparable à ceux des grosses débardeuses betteraves.

Hors tout, la machine fait 3,40 m de largeur pour une longueur de 11,25m, bec à maïs compris.

Tout dans la tête.

Notre père nous a appris beaucoup de choses, dit Thierry. Lui-même, a réalisé des engins. Il fut d'ailleurs le premier à songer à placer l'effeuilleuse à betteraves à l'avant. Il fallait à l'époque un moteur auxiliare.

Il fut également le premier à imaginer la récolteuse intégrale à betteraves.

Lui, il dessinait ses machines avant de les construire. Nous travaillons de façon différente, dit Dominique, nous travaillons sans plans. Cela ne veut pas dire nous travaillons à l'aveuglette. Nous avons toutes les pièces avant de débuter la construction de la machine. Beaucoup d'idées sont échangées avant que la construction ne commence réellement, dit Dominique. Il a fallu plus d'un an pour construire une telle machine.

Déchargement en cours...

Cherche industriel.

Mais nous sommes forts de notre expérience et nous pensons qu'elle peut être utile à d'autres. C'est pourquoi nours recherchons un constructeur. Il va sans dire que nous engagerions également notre responsabilité, notamment au niveau de la construction, dit Dominique.

Nous sommes avant tout des entrepreneurs, pas des industriels, ni des commerçants, ajoute-t-il.

On va peut-être trouver cela bizarre que nous proposions d'aller à l'automotrice intégrale alors que les grands constructeurs y ont renoncé. Il ne faut pas confondre : les ensileuses comme l'Hesston, disposent d'une trémie, oui, mais ce sont plutôt des trémies d'attente, dit encore Dominique.

Contrôle par Gembloux.

La machine a été controlée par les services du génie rural à Gembloux. On en retiendra qu'en chantier net, c'est-à-dire déversements y compris, le rendement dépasse les 2 ha à l'heure.

2 personnes seulement assurent l'ensilage !

En outre des échantillons ont été pris pour l'analyse de l'éclatement des plantes : plus de 70% des brins ont moins de 6mm.

Avec une telle machine, les frères Dutrieux estiment qu'ils ont plusieurs années devant eux avant qu'elle ne soit dépassée. Plus les engins coûtent cher, plus il faut amortir sur le long terme. En effet, les hectares ne sont pas extensibles à souhait.